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Africa-EU
Energy Partnership

Conversations des champions de l’énergie du PAEE : Saliem Fakir

Un dialogue politique nourri Vitrine de l’action conjointe

Les conversations des champions de l’énergie du PAEE (AEEP Energy Champion Conversations) sont une série d’entretiens mettant en lumière les travaux d’experts en matière d’énergie en Afrique et en Europe. Nous rencontrons des défenseurs passionnés de la transition à l’énergie durable et les écoutons nous dire ce qu’ils pensent des plus importantes réalisations à ce jour et des problèmes les plus pressants qui se profilent à l’horizon.  

L’accès universel à une énergie non polluante, appropriée et abordable est une condition préalable du bien-être et du développement envisagés par l’Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable, l’Accord de Paris des Nations unies sur le changement climatique, l’Agenda 2063 de l’Union africaine et la Stratégie globale de l’Union européenne avec l’Afrique.

Porte d’entrée pour une action conjointe sur l’avenir des énergies vertes, le Partenariat Afrique-UE pour l’énergie (PAEE) met l’accent sur les points de vue des principaux acteurs du secteur énergétique dans cette série d’entretiens visant à savoir comment assurer un accès universel à des services énergétiques abordables, durables et modernes en Afrique.

SALIEM FAKIR, directeur exécutif de la Fondation africaine pour le climat (African Climate Foundation – ACF)  

1. Quand, comment et pourquoi avez-vous commencé à œuvrer en faveur d’un avenir énergétique durable ?

J’ai commencé à m’intéresser à la question du développement durable à ma sortie de l’université. J’étais plutôt impliqué dans la biotechnologie, mais j’ai rejoint un groupe de réflexion appelé « Land and Agriculture Policy Centre » au début des années 1990. Un de mes thèmes de travail portait sur la gestion des ressources naturelles et je me suis passionné pour ce sujet multidisciplinaire, sachant que j’adorais avoir à gérer des problèmes complexes. Plus tard, à compter de 2007, je me suis davantage tourné vers le secteur de l’énergie et je me suis intéressé à l’énergie renouvelable, à la politique et à la finance. Mon travail a, par la suite, porté sur la relation entre climat, transition énergétique et transformation économique.

2. Parlez-nous de certaines des actions les plus réussies auxquelles vous avez participé pour offrir une énergie durable, abordable et moderne pour tous en Afrique ?

Il m’est difficile de revendiquer un succès seul sachant que tant de personnes sont impliquées. Pour moi, la réussite la plus importante a été l’initiative SARI (South African Renewables Initiative) il y a une dizaine d’années. Elle était novatrice dans le sens où il s’agit d’une des premières initiatives qui ait cherché à utiliser les financements climatiques disponibles dans le monde pour accélérer et amplifier le déploiement des énergies renouvelables en Afrique du Sud. Même si le programme n’a finalement pas pris la forme prévue à l’origine, il a eu une influence massive sur le programme des producteurs indépendants d’électricité renouvelable (IPP) en Afrique du Sud. J’ai aussi beaucoup travaillé à la conception d’une nouvelle formation axée sur les énergies renouvelables et la finance à l’Institut de la durabilité (Sustainability Institute) de Stellenbosch et au Centre d’étude sur les énergies renouvelables et durables (Centre for Renewable and Sustainable Energy Studies). Cette formation s’efforçait d’inciter des étudiants ingénieurs et non ingénieurs à réfléchir aux technologies, aux bénéfices socio-économiques et à la localisation des énergies propres.

Je travaille actuellement sur une vaste initiative qui consiste à créer une nouvelle fondation pour le climat sur le continent. Une initiative essentielle à grande échelle consiste à se pencher sur l’abandon rapide du charbon, la dette de l’Eskom et la séparation entre production et réseau de transport. L’objectif est d’aider Eskom et le gouvernement sud-africain à voir s’ils peuvent bénéficier d’un financement de transition spécial en faveur de l’abandon du charbon. En tant que nouvelle fondation, nous sommes très fiers de participer au processus et de disposer de bénéficiaires qui font un excellent travail technique pour aider Eskom et d’autres organisations à œuvrer à une transition équitable. Le travail de certains des bénéficiaires, particulièrement de Meridian Economics, a également eu un impact considérable sur les réformes et sur les débats politiques liés au seuil de production intégrée. Le président Ramaphosa vient d’annoncer que l’État devrait faire passer le plafond de production intégrée exonérée de licence de 1 MW (niveau fixé à l’origine) à 100 MW. Ce résultat est dû non seulement au lobbying des entreprises, mais également au travail technique réalisé par les bénéficiaires. Notre fondation cherche à reproduire une large partie de ce travail dans d’autres parties du continent, par exemple en appuyant le déploiement à grande échelle des énergies renouvelables.

3. L’Afrique et l’Europe disposent d’un partenariat établi et dédié en matière d’énergie.Quel est, selon vous, le point fort de ce partenariat ? Si une initiative pouvait intensifier et accélérer l’impact de ce partenariat, qu’en attendriez-vous ?

Les relations entre l’Afrique et l’Europe sont très importantes. L’Europe est le continent le plus proche de l’Afrique et celui qui lui est et qui continuera à lui être le plus lié. Cette relation est vitale d’un point de vue diplomatique et politique. En ce qui concerne les négociations officielles, le partenariat Afrique-Europe a encore beaucoup de travail devant lui pour résoudre les questions importantes sur lesquelles les deux continents peuvent coopérer. Un des principaux domaines concerne, bien sûr, le secteur de l’énergie et la nécessité de disposer d’un accès bon marché et abordable à l’énergie. La relation avec l’Europe est essentielle, que ce soit au niveau de la disponibilité des technologies, du financement ou de la capacité des entreprises européennes à résoudre le problème de l’accès à une énergie à faible coût en Afrique. Cette évolution dépend également de la capacité du continent africain à tirer parti de ces nouvelles technologies qui sont plus polyvalentes au niveau des formes de production distribuée. Il n’est pas nécessaire de construire de vastes infrastructures. Nous pouvons travailler en collaboration étroite avec l’Europe pour trouver des solutions techniques et financières permettant d’amplifier la nouvelle révolution énergétique dont le continent a besoin. Mais l’Europe doit impliquer l’Afrique de manière respectueuse et stratégique sans favoriser ses propres intérêts au détriment du développement à long terme de l’Afrique. L’Europe doit également collaborer avec les Africains pour trouver des moyens de sortir de sa dépendance au gaz.

4. Comment pouvons-nous nous assurer que l’abandon des combustibles fossiles et leur remplacement par des solutions énergétiques durables se produiront de manière équitable et incluront même les groupes les plus marginalisés de la société ?

Je pense qu’il s’agit du problème le plus important du continent. Pour aborder ce problème, une solution consiste à faire le lien entre transition énergétique et transformation économique. L’opportunité s’offre à nous de réfléchir aux économies africaines de manière très différente. De nombreux pays africains dépendent fortement des produits de base et ne se sont pas dotés d’une base de production plus large, qui est pourtant indispensable pour créer des emplois et améliorer les bénéfices de l’activité économique et donc augmenter les revenus des populations. Pour y parvenir, les pays doivent disposer d’électricité en quantité plus importante. C’est un cercle vicieux : il faut de l’électricité, mais pour l’obtenir, il faut des revenus et de la demande. C’est pour cette raison que la transformation économique est importante et que l’électrification à bon marché est une composante cruciale de cette transformation économique.

En Afrique du Sud, l’histoire est un peu différente : les inégalités sont fortes et l’économie doit devenir plus inclusive. L’Afrique du Sud doit se décarboniser. Or, si elle y parvient, elle perdra des emplois dans le secteur du charbon. Mais il est préférable de ne pas attendre, quitte à avoir recours à un processus plus perturbateur et plus destructif pour la sortie du charbon au lieu d’opter pour un processus géré et juste. Nous devons trouver le moyen de remplacer le charbon par des énergies propres qui créeront des emplois pour remplacer ceux perdus dans le secteur du charbon. Une plus grande quantité d’énergie est synonyme d’activité économique accrue et nous espérons que l’absence de limitations dans l’approvisionnement en électricité, qui conduisent à des délestages, pourra favoriser une croissance économique améliorée et plus durable à long terme. Les différents éléments du débat doivent être réunis. Il est incontestable que si nous parlons de transitions énergétiques en Afrique du Sud ou ailleurs sur le continent, la notion de transition équitable doit jouer un rôle essentiel dans ce changement de politique.

5. Qu’est-ce qui vous incite à continuer à œuvrer en faveur d’une transition vers des énergies propres ?

Lorsque j’étais jeune, cette transition faisait figure d’idéal inaccessible. Aujourd’hui, elle apparaît comme plus réelle. Il semble maintenant possible que ma génération parvienne à concrétiser cette vision. L’avenir semble plus proche qu’autrefois et il est inconcevable de ne pas en faire partie. En bref, ceux qui travaillent dans ce secteur sont en train de donner naissance à une nouvelle civilisation : nous faisons l’histoire et nous la faisons tous ensemble. Le fait que cet avenir ait besoin d’un petit coup de pouce pour se concrétiser plus rapidement me stimule et me permet de me réveiller le matin en imaginant de nouvelles idées pour résoudre les problèmes. Cela ne veut pas dire que je peux faire ça tout seul, nous devons travailler de manière collective.

Saliem Fakir est directeur exécutif de la fondation African Climate Foundation (ACF). Il est titulaire d’un master en science et gestion de l’environnement obtenu au Wye College de Londres, Royaume-Uni. M. Fakir a travaillé dans les secteurs de l’environnement, du climat, de l’économie financière et sur de nombreux thèmes liés au développement. Il a dirigé l’unité Politique et avenirs de WWF Afrique du Sud et a été directeur adjoint du Centre des énergies renouvelables et durables de l’université de Stellenbosch.

L’ACF est la première fondation africaine stratégique sur le changement climatique à accorder des subventions. Elle a pour but d’appuyer les efforts déployés par l’Afrique pour lutter contre le changement climatique. L’ACF propose un mécanisme grâce auquel les philanthropes peuvent soutenir les solutions africaines aux défis auxquels le continent est confronté en raison du changement climatique.

Le PAEE repose sur son Groupe de pilotage: