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Africa-EU
Energy Partnership

Conversations des champions de l’énergie du PAEE : Safiatou Alzouma Nouhou

Un dialogue politique nourri Vitrine de l’action conjointe

Les conversations des champions de l’énergie du PAEE (AEEP Energy Champion Conversations) sont une série d’entretiens mettant en lumière les travaux d’experts en matière d’énergie en Afrique et en Europe. Nous rencontrons des défenseurs passionnés de la transition à l’énergie durable et les écoutons nous dire ce qu’ils pensent des plus importantes réalisations à ce jour et des problèmes les plus pressants qui se profilent à l’horizon.  

L’accès universel à une énergie non polluante, appropriée et abordable est une condition préalable du bien-être et du développement envisagés par l’Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable, l’Accord de Paris des Nations unies sur le changement climatique, l’Agenda 2063 de l’Union africaine et la Stratégie globale de l’Union européenne avec l’Afrique.

Porte d’entrée pour une action conjointe sur l’avenir des énergies vertes, le Partenariat Afrique-UE pour l’énergie (PAEE) met l’accent sur les points de vue des principaux acteurs du secteur énergétique dans cette série d’entretiens visant à savoir comment assurer un accès universel à des services énergétiques abordables, durables et modernes en Afrique.

SAFIATOU ALZOUMA NOUHOU,  Directrice de l’Unité indépendante de mise en œuvre de l’Initiative de l’Afrique sur les énergies renouvelables (African Renewable Energy Initiative – AREI)

1. Quand, comment et pourquoi avez-vous commencé à travailler sur l’avenir de l’énergie durable ? 

Je suis un produit du secteur énergétique. J’ai commencé à travailler dans ce secteur suite à la combinaison de deux facteurs. Au début, cela a été un défi à relever. Parce que quand j’étais adolescente, il y avait tous ces stéréotypes voulant que les filles s’orientent vers des études qui leur conviennent. Les études techniques, c’était uniquement pour les garçons. J’ai voulu rompre avec cet état d’esprit. Ensuite, lorsque, mes diplômes en poche, j’ai débuté ma carrière professionnelle, je me suis rendu compte qu’en Afrique, il existe un déficit énorme en termes de quantité et de qualité d’énergie, alors que l’énergie est tellement essentielle pour nous tous.

2. Parlez-nous de certaines des plus belles réussites auxquelles vous avez participé à ce jour pour faire en sorte que tout le monde dispose d’une énergie durable, abordable et moderne en Afrique ? 

La liste est vraiment longue ! J’ai participé à tellement de projets, à tout ce qui va de l’élaboration et la conception de politiques pour des services énergétiques modernes au suivi de la mise en œuvre des politiques et stratégies. Mais ce qui a été le plus important, de mon point de vue, ce sont les « comités multisectoriels énergie » dont j’ai été membre de 2006 à 2008. Grâce à nos travaux, nous avons pu réunir de nombreux acteurs différents qui, en temps normal, ne se parlaient pas, et avons ainsi essayé d’harmoniser toutes leurs activités. Cela nous a ensuite permis d’élaborer des programmes nationaux sur l’énergie. Notre tâche était ambitieuse mais notre réussite a été à la mesure de cette ambition. À l’époque, à l’échelle mondiale, on ne parlait pas des problèmes énergétiques comme on en parle aujourd’hui. À la CEDEAO, nous avions déjà travaillé selon cette approche régionale et lorsqu’en 2011 l’initiative Énergie durable pour tous (SEforALL) a été lancée, pour nous, ce n’était qu’une suite logique aux travaux que nous avions déjà réalisés.

3. L’Afrique et l’Europe ont créé un partenariat spécialement consacré à l’énergie. Selon vous, quels en sont les points forts ? Si une initiative devait intensifier et accélérer l’impact de ce partenariat, quelles seraient vos aspirations à ce sujet ?

Ce qui fait tout particulièrement la force du PAEE, c’est le dialogue stratégique à long terme qu’il facilite. L’Afrique est un continent complexe. Lorsque vous passez d’une région à une autre, les états d’esprit et la vision des choses sont très différents. L’Union africaine s’efforce d’harmoniser tout cela et cet effort de structuration est vraiment l’objectif du partenariat.

Pour ce qui est des nouvelles étapes, de mes souhaits d’accélération de l’impact du partenariat, je dirais qu’il doit mettre l’accent sur le soutien du secteur privé local en Afrique. Nous avons besoin de plusieurs centaines de milliards pour que les services énergétiques modernes soient accessibles à tous. Pour cela, il nous faut un secteur privé très développé. Les gouvernements ont des difficultés financières ; nous devons donc mobiliser des fonds sur les marchés commerciaux internationaux. Nous avons, sur le continent, des exemples de réussites montrant pourquoi il est nécessaire d’avoir un secteur privé qui fonctionne bien et de disposer d’options telles que l’atténuation des risques, l’assistance technique et le soutien du dialogue politique.

4. Comment s’assurer que l’abandon progressif des combustibles fossiles au profit des énergies durables s’opère de manière équitable et que même les groupes les plus marginalisés de la société en profiteront ?  

C’est faisable en adoptant une approche informelle et inclusive. Pour que la transition énergétique réussisse, personne ne doit être exclu. Quand on voit les décisions qui ont été prises il y a 15 ans de cela, les acteurs clés étaient uniquement ceux du secteur public. Nous n’avons pratiquement pas eu le point de vue des utilisateurs finaux alors que ce sont eux qui constituent le lien le plus important. Ce sont eux qui utilisent l’énergie et doivent en profiter. Tant que nous ne donnerons pas aux gens la possibilité de prendre part aux décisions, de la conception à la mise en œuvre, nos efforts seront voués à l’échec. Par contre, si nous le faisons, les gens se sentiront responsables et comprendront mieux l’importance de la transition.

5. Qu’est-ce qui vous motive à prôner une transition vers une énergie propre ? 

Je suis motivée par deux choses : le manque d’accès à une énergie propre – pour moi, il est incompréhensible qu’au 21ème siècle ce ne soit toujours pas le cas – et ensuite les conséquences du changement climatique.

Premièrement, quand on parle d’accès, je viens de la région du Sahel et ce n’est pas une région où la vie est facile. L’accès à l’énergie est un gros problème, pas seulement là, mais dans de nombreuses parties du continent. Dès que vous allez dans les zones périurbaines dont la population vient du milieu rural, vous retrouvez les pratiques traditionnelles de production d’énergie, et le soir vous êtes dans l’obscurité.

Ma deuxième motivation, le changement climatique, est également liée à la région du Sahel où vous le sentez, où vous vivez avec. Le changement climatique a un impact sur la vie économique et sociale. Prenons un exemple : au début et à la fin de la saison des pluies, nous connaissons des tempêtes de sable. Ce phénomène n’existait pas avant, mais c’est aujourd’hui une réalité. Pour essayer de répondre aux besoins d’énergie, surtout pour la population rurale qui a des moyens limités, c’est un vrai problème dans cet environnement. De plus, quand on regarde l’utilisation des sols, il reste très peu de terre arable et on manque d’eau, ce qui peut créer des tensions entre les communautés. Tout cela finit par créer de l’insécurité dans la vie des gens, et c’est pour ça que je poursuis mes efforts. Il s’agit de mon expérience personnelle ; ce n’est pas seulement quelque chose que j’ai lu dans les journaux, et c’est pour ça que je continue de me battre.

Madame Safiatou Alzouma Nouhou est la directrice de l’Unité indépendante de mise en œuvre de l’Initiative de l’Afrique sur les énergies renouvelables (AREI). Elle a travaillé au ministère des Mines et de l’Énergie du Niger et a été directrice nationale des énergies renouvelables pendant cinq ans. Avant de rejoindre l’AREI, elle a été responsable de la région Afrique subsaharienne à l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) à Abu Dhabi.

L’AREI s’efforce d’accélérer, de développer et d’exploiter le vaste potentiel d’énergie renouvelable de l’Afrique en soutenant l’élaboration de politiques de transformation et l’adoption d’objectifs ambitieux en matière d’énergies renouvelables. L’AREI aide en outre à mobiliser le financement public international nécessaire pour mener ces efforts.

Le PAEE repose sur son Groupe de pilotage: