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Africa-EU
Energy Partnership

Conversations des champions de l’énergie du PAEE : Ignacio J. Pérez-Arriaga

Un dialogue politique nourri Vitrine de l’action conjointe

Les conversations des champions de l’énergie du PAEE (AEEP Energy Champion Conversations) sont une série d’entretiens mettant en lumière les travaux d’experts en matière d’énergie en Afrique et en Europe. Nous rencontrons des défenseurs passionnés de la transition à l’énergie durable et les écoutons nous dire ce qu’ils pensent des plus importantes réalisations à ce jour et des problèmes les plus pressants qui se profilent à l’horizon.  

L’accès universel à une énergie non polluante, appropriée et abordable est une condition préalable du bien-être et du développement envisagés par l’Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable, l’Accord de Paris des Nations unies sur le changement climatique, l’Agenda 2063 de l’Union africaine et la Stratégie globale de l’Union européenne avec l’Afrique.

Porte d’entrée pour une action conjointe sur l’avenir des énergies vertes, le Partenariat Afrique-UE pour l’énergie (PAEE) met l’accent sur les points de vue des principaux acteurs du secteur énergétique dans cette série d’entretiens visant à savoir comment assurer un accès universel à des services énergétiques abordables, durables et modernes en Afrique.

JOSE IGNACIO PÉREZ-ARRIAGA, professeur invité au Massachusetts Institute of Technology (MIT), professeur au département d’ingénierie électrique de l’université de Comillas, professeur à l’École de régulation de Florence  

1. Quand, comment et pourquoi avez-vous commencé à travailler sur l’avenir de l’énergie durable ?

Le processus a été lent et long. Il arrive à maturité maintenant que je suis septuagénaire. Je m’intéresse aux questions environnementales depuis mes études. J’ai étudié l’ingénierie, mais, à l’époque, je n’ai pas trouvé d’instruments pour donner suite à mes idées. Aujourd’hui, je suis universitaire, enseignant, régulateur de l’énergie, je fais du conseil et je fais de la recherche. De manière indirecte et pendant de nombreuses années, j’ai essayé de montrer, pendant mes cours sur la régulation, que je m’intéressais à ces questions. Par exemple, j’ai essayé de promouvoir des initiatives en faveur d’énergies plus propres et plus efficaces en concevant un programme sur la réponse à la demande d’électricité en collaboration avec des ONG environnementales, programme qui a été approuvé par le gouvernement.

Il y a 20 ans, j’ai lancé une initiative invitant les enseignants de mon école d’ingénieurs en Espagne à intégrer des thèmes liés au développement durable dans toutes les matières enseignées. J’ai également été nommé directeur de la Chaire BP sur le développement durable, que j’ai occupée pendant 15 ans. Ce poste m’a offert une totale liberté pour développer mes idées, alors même que le sponsor était une entreprise pétrolière. Je suis membre de l’Académie royale d’ingénierie d’Espagne et j’ai été l’instigateur de deux études que j’ai publiées, une sur la durabilité du secteur des transports et une sur les technologies de développement humain des communautés rurales isolées dans les pays en développement. Dans mon discours inaugural à l’Académie royale, j’ai parlé d’énergie et de développement durable et j’ai promis de consacrer le maximum de temps possible à ces thèmes.

C’est quand je suis arrivé au MIT en 2008 que j’ai commencé à toucher terre et à pouvoir mettre toutes ces idées en pratique. Financé par le MIT Tata Center, j’ai lancé, il y a environ 11 ans, un projet sur l’électrification en Inde. Au MIT, j’ai également créé un groupe d’étudiants baptisé « Énergie pour le développement humain » (Energy for Human Development) qui se réunit encore régulièrement pour discuter de ces thèmes. Ces efforts en faveur de l’électrification ont progressivement pris une place croissante et je m’y consacre maintenant à plein temps. Il y a environ six ans, j’ai été financé par la Fondation Shell pour mener des recherches sur ce à quoi pourrait ressembler une future entreprise énergétique en Afrique subsaharienne. Plus tard, j’ai été financé par la Fondation Rockefeller pour trouver des moyens d’accélérer l’électrification, particulièrement en Afrique. Aujourd’hui, je dispense des cours sur la régulation en faveur de l’ODD 7, au MIT et à l’École de régulation de Florence, ce qui signifie que toutes ces initiatives ont continué à se développer, et j’ai récemment participé à une initiative intéressante visant à créer une École africaine de régulation.

2. Parlez-nous de certaines des plus belles réussites auxquelles vous avez participé à ce jour pour faire en sorte que tout le monde dispose d’une énergie durable, abordable et moderne en Afrique ?

Il est difficile de déterminer le degré de réussite de ce que j’ai essayé de faire. Mon objectif a toujours été de voir grand. Les problèmes d’accès à l’énergie et de transition vers un système énergétique plus durable sont tellement vastes que, même si je suis heureux que de petites initiatives voient le jour, les solutions à ces problèmes doivent être proportionnelles à leur ampleur. Mes initiatives se sont toujours situées à ce niveau et il est donc difficile d’estimer leur degré de réussite.

J’ai deux casquettes qui se chevauchent. Je suis ingénieur, ce qui m’a conduit à développer et à promouvoir des logiciels et à réaliser des projets sur la planification de l’électrification en associant les trois modes d’électrification (extension du réseau, mini-réseaux et systèmes autonomes) pour essayer d’aboutir aux solutions les moins coûteuses pour chaque pays.

Mon autre casquette est liée à mon expertise de la régulation. J’ai essayé de développer des modèles de réglementation et d’affaires pour accélérer l’électrification. Mon équipe de recherche travaille sur une approche baptisée « cadre de distribution intégré » qui vise à améliorer l’approvisionnement en électricité sur le dernier kilomètre, au plus près du client final. Mais, comme avec les étudiants, on ne sait jamais où les recherches sur de nouvelles idées vont nous conduire. On enseigne quelque chose aux étudiants, mais personne ne sait comment ils utiliseront ces connaissances. Je suis fier de participer à l’initiative sur l’École africaine de régulation. J’ai contribué à la création de l’École de régulation de Florence il y a 18 ans et nous disposons maintenant d’une institution solide qui enseigne la régulation à de nombreuses personnes. Nous prévoyons de faire la même chose en Afrique et, en cas de réussite, ce sera ma contribution.

3. L’Afrique et l’Europe ont créé un partenariat spécialement consacré à l’énergie. Selon vous, quels en sont les points forts ? Si une initiative devait intensifier et accélérer l’impact de ce partenariat, quelles seraient vos aspirations à ce sujet ?

Il est évident que l’Afrique et l’Europe doivent être partenaires : nous sommes extrêmement proches et nous avons besoin l’une de l’autre. Tout d’abord, en raison de la migration. Le niveau de vie en Europe attire de nombreuses personnes et la population africaine augmente rapidement. Le seul moyen de ralentir la croissance démographique est de stabiliser la population dans son propre pays grâce au développement économique et humain, ce qui nécessite de l’énergie – qui doit être propre à cause du changement climatique. Il s’agit d’un thème majeur qui implique les deux continents et nous devons nous y atteler.

Deuxièmement, l’Afrique offre de nombreuses opportunités d’affaires qui doivent être réalisées de manière durable. La troisième dimension est le renforcement des capacités. Nous avons surmonté de nombreux problèmes lors du développement du secteur de l’énergie en Europe. Il n’est pas possible de faire un simple copier-coller, mais une grande partie de notre expertise, par exemple sur la création d’un marché régional de l’électricité, peut être transférée vers l’Afrique ou adaptée au contexte africain.

En ce qui concerne l’accélération du partenariat, le renforcement des capacités et l’École africaine de régulation forment une initiative qui s’efforce d’apporter à l’Afrique des instruments et des bonnes pratiques de régulation de l’énergie en les adaptant au contexte du continent, une initiative menée par des Africains mais en interaction avec l’Europe, ce qui constitue une contribution majeure.

4. Comment s’assurer que l’abandon progressif des combustibles fossiles au profit des énergies durables s’opère de manière équitable et que même les groupes les plus marginalisés de la société en profiteront ?

C’est une question difficile que de nombreuses personnes s’efforcent de résoudre et je ne peux prétendre avoir une solution. Le premier postulat est que l’Afrique et l’Afrique subsaharienne ont le droit de se développer économiquement et industriellement et qu’il leur faudra, pour cela, beaucoup d’énergie. Le développement doit se faire de manière raisonnablement propre, mais, sachant que l’Europe brûle du gaz nigérian dans ses centrales électriques et qu’elle a construit ses industries et ses infrastructures en utilisant des combustibles fossiles, elle ne peut pas demander à l’Afrique de ne pas faire de même. Heureusement, les technologies d’énergie renouvelable sont devenues compétitives par rapport aux technologies fossiles, mais nous avons encore besoin de ces dernières pour compenser la nature intermittente ou variable de certaines sources renouvelables, comme l’énergie solaire ou éolienne, si nous voulons que le secteur de l’énergie soit gérable. Nous avons besoin d’un mix qui doit être aussi propre que possible, mais l’Europe (parmi d’autres nations), qui apporte des fonds aux pays africains, n’a pas le droit d’exiger que tout soit renouvelable.

L’électrification des groupes les plus marginalisés en Afrique nécessitera beaucoup de solutions hors réseau qui sont principalement basées sur les énergies renouvelables. Une économie décarbonée est synonyme d’économie électrifiée. Nous ne pouvons pas continuer à faire la cuisine avec de la biomasse ou avec du gaz naturel et nous ne pourrons plus avoir toutes ces motos fonctionnant à l’essence dans les villages africains en 2050. Toute l’économie doit être électrifiée, ce qui nécessite un bon raccordement. Il faut que les mini-réseaux et les systèmes autonomes touchent tout le monde. Le mix en amont doit être aussi propre que possible et, heureusement, toutes ces ressources distribuées peuvent être raccordées au réseau et la plupart d’entre elles finiront par l’être. Nous devons beaucoup réfléchir à l’extension du réseau, au dernier kilomètre et à la mise en place d’infrastructures de distribution financièrement viables et correctement régulées.

5. Qu’est-ce qui vous motive à prôner une transition vers une énergie propre ?

J’ai 73 ans et je continue à œuvrer. Je dois dire, humblement, qu’en tant que professeur invité au MIT, professeur à l’université de Comillas, directeur des activités de formation à l’École de régulation de Florence, avec une équipe de recherche financée par la Fondation Rockfeller pour accélérer l’électrification, et en tant que régulateur expérimenté disposant d’excellents contacts et, à ce jour, d’une bonne santé, je suis maintenant en position d’apporter une contribution en trouvant et en diffusant des modèles de réglementation et des modèles d’affaires exploitables ainsi que des approches de financement pour accélérer l’accès à l’énergie. Tout cela, je pense que je dois le faire. Et puis, c’est passionnant. J’adore les énigmes et celle-là est particulièrement corsée.

Ignacio J. Pérez-Arriaga est titulaire d’un master spécialisé et d’un doctorat en ingénierie électrique obtenus au Massachusetts Institute of Technology (MIT) ainsi que d’un diplôme d’ingénieur en électricité de l’université de Comillas à Madrid, Espagne. Il est actuellement professeur invité au MIT et professeur au département d’ingénierie électrique de l’université de Comillas. Il dirige également les activités de formation de l’École de régulation de Florence, notamment dans le cadre de l’initiative FSR Global.

En plus de 30 ans, Ignacio J. Pérez-Arriaga a conseillé de multiples gouvernements et entreprises et a enseigné la régulation du secteur de l’énergie dans plus de 40 pays. Il a été membre du conseil d’administration de la Commission espagnole de régulation de l’énergie et du Comité du marché unique de l’électricité en Irlande. Il est membre à vie de l’Académie royale d’ingénierie d’Espagne et a siégé pendant 5 ans à la commission de recours de l’Agence européenne de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER). Il mène actuellement des recherches sur les futures tendances des systèmes d’électricité, sur la planification de l’électrification dans les pays en développement et sur des approches de modèles de réglementation et d’affaires pour l’accès universel à l’énergie.

Conversations des champions de l’énergie du PAEE :

Safiatou Alzouma Nouhou

Saliem Fakir

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