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Africa-EU
Energy Partnership

Conversations des champions de l’énergie du PAEE : Olaedo Osoka

Un dialogue politique nourri Vitrine de l’action conjointe

Les conversations des champions de l’énergie du PAEE (AEEP Energy Champion Conversations) sont une série d’entretiens mettant en lumière les travaux d’experts en matière d’énergie en Afrique et en Europe. Nous rencontrons des défenseurs passionnés de la transition à l’énergie durable et les écoutons nous dire ce qu’ils pensent des plus importantes réalisations à ce jour et des problèmes les plus pressants qui se profilent à l’horizon.  

L’accès universel à une énergie non polluante, appropriée et abordable est une condition préalable du bien-être et du développement envisagés par l’Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable, l’Accord de Paris des Nations unies sur le changement climatique, l’Agenda 2063 de l’Union africaine et la Stratégie globale de l’Union européenne avec l’Afrique.

Porte d’entrée pour une action conjointe sur l’avenir des énergies vertes, le Partenariat Afrique-UE pour l’énergie (PAEE) met l’accent sur les points de vue des principaux acteurs du secteur énergétique dans cette série d’entretiens visant à savoir comment assurer un accès universel à des services énergétiques abordables, durables et modernes en Afrique.

OLAEDO OSOKA, Directrice générale (Afrique de L’Ouest), Daystar Power Group

1. Quand, comment et pourquoi avez-vous commencé à travailler pour un avenir énergétique durable ?

Je suis Nigériane ; je suis née au Royaume-Uni, mais j’ai grandi et ai passé la majeure partie de ma vie au Nigeria. Au Nigeria, la réalité était et est toujours un approvisionnement insuffisant en électricité, ce qui se traduit par des réseaux peu fiables et le recours massif à des groupes électrogènes diesel coûteux et polluants. J’ai vu de mes propres yeux les impacts environnementaux, sanitaires et économiques sur un système économique dépendant de groupes électrogènes diesel. Dans notre rue, la plupart des gens avaient plusieurs groupes électrogènes, car il fallait un groupe électrogène principal et un groupe électrogène de secours plus petit, juste pour s’assurer qu’il y avait une solution de rechange si le groupe principal tombait en panne. Nous avons eu le privilège d’avoir des groupes électrogènes diesel — la plupart des gens n’en avaient même pas.

Si nous examinons les données de l’Agence d’électrification rurale du Nigeria, nous constatons qu’en tant que pays, nous dépensons 14 milliards de dollars par an en groupes électrogènes diesel et à essence. Même dans la région élargie, les consommateurs sont confrontés soit à un réseau coûteux, soit à l’absence de réseau et doivent autoproduire de l’électricité. Dans un cas comme dans l’autre, les gens doivent faire face à une forte pollution, à un manque de fiabilité et à des coûts énergétiques élevés. Pour moi, il était évident, dans mon environnement local, que ce à quoi nous étions habitués n’était pas durable, ne fonctionnait pas, était défaillant.

Avec la mondialisation est apparu un thème récurrent sur la durabilité, l’impact environnemental et l’énergie propre. Avec mes antécédents, je me suis dit que c’était peut-être là une façon de résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés. En 2017, j’ai rejoint Sunray Ventures, avec pour mandat d’aider à construire des entreprises à forte croissance qui créent un impact environnemental et socio-économique dans différentes industries en Afrique. Daystar Power, qui se focalise sur les solutions d’énergie propre, a été l’une des premières entreprises que nous ayons établies. Avec Daystar, nous ciblons les entreprises commerciales et industrielles, avec pour objectif de les aider à prendre le virage vert et à réduire leurs coûts énergétiques d’environ 20 à 40 %. La réduction des coûts de l’énergie est déterminante pour créer une industrie locale durable et construire sur le continent ce que nous voulons être, à savoir des entreprises compétitives au niveau mondial. Au départ, j’avais commencé par me concentrer sur le Nigeria, en constituant d’abord notre équipe juridique, puis je suis passée au développement commercial et en 2019, on m’a proposé de diriger notre expansion commerciale à travers l’Afrique de l’Ouest.

2. Parlez-nous de certaines des plus belles réussites auxquelles vous avez participé à ce jour pour faire en sorte que chacun et chacune dispose d’une énergie durable, abordable et moderne en Afrique ?

Il y a tellement de choses que nous devons faire et il y a tellement de potentiel que je ne pourrai jamais me sentir à l’aise en disant « ceci ou cela a été une réussite ». Nous progressons dans la bonne direction, mais nous devons amplifier massivement les mesures à tous les niveaux, au-delà de moi, au-delà de Daystar, au-delà du secteur industriel. Parmi ces quelques avancées dans la bonne direction, il y a d’abord eu le renforcement des capacités. Actuellement, nous disposons d’une équipe de plus de 100 personnes formées à la conception et à la maintenance de centrales solaires. Quand je pense à mon impact, je souhaite former la nouvelle génération de personnes qui pourront faire évoluer ce que nous faisons présentement. C’est pourquoi nous cherchons toujours à augmenter la participation et à constituer un vivier de talents locaux, d’hommes et de femmes de terrain qui ont les compétences pour non seulement travailler, mais également pour mener à bien la transition.

Le deuxième aspect est la diversité ; 33 % des membres de notre équipe de direction sont des femmes. En collaboration avec la Société financière internationale (SFI) et l’un de nos investisseurs, l’IFU — le Fonds d’investissement danois pour les pays en développement, nous nous sommes fermement engagés à ce que, d’ici à 2024, les femmes représentent au moins 40 % de l’ensemble de notre personnel. Il s’agit d’un objectif minimum, mais ce qui est important, c’est que nous instaurions une responsabilisation et que nous travaillions délibérément à la réalisation d’un objectif clair. En plus du renforcement des capacités en général, nous voulons que les femmes soient à l’avant-garde et qu’elles dirigent cette transition.

Troisièmement, il s’agit de la mise à l’échelle et de l’attrait commercial de notre offre. Très tôt, en 2017, il est apparu que le coût de ces systèmes énergétiques constituait un obstacle à l’entrée et à la transition des personnes. Au cours de la dernière décennie, nous avons vu les coûts du système diminuer de plus de 70 %, mais malgré cela, lorsqu’on propose à un industriel d’ouvrir une nouvelle ligne de fabrication ou d’investir dans le solaire, il ne le fait pas. Son groupe d’entreprises a peut-être pris des engagements au niveau multinational, mais pour les entreprises en Afrique, cela n’a de sens que si elles font des économies. Il s’agit donc de savoir comment nous avons pu progresser au cours des trois dernières années et avec quelle efficacité nous offrons aux entreprises jusqu’à 30 % d’économies sans dépenses d’investissement. Nous avons déployé ce système dans quatre pays et avons installé et exploité des usines dans environ 300 sites en Afrique de l’Ouest, y compris de véritables projets phares. La question est de savoir comment nous parvenons, non seulement à vendre une histoire, mais aussi à convaincre les industriels qu’ils ont une responsabilité et que notre travail consiste à les aider à emprunter une voie plus propre, plus abordable et plus fiable. Enfin, il s’agit du financement. Nous avons maintenant levé plus de 68 millions de dollars de capitaux pour nous assurer que nous offrons des solutions commercialement viables sans que nos clients aient à faire des dépenses d’investissement initiales.

3. L’Afrique et l’Europe ont un partenariat établi et dédié à l’énergie. Quel est, selon vous, l’atout particulier de ce partenariat ? Si nous avions une initiative visant à intensifier et à accélérer l’impact de ce partenariat, quelles seraient vos aspirations pour un tel dispositif ?

La force du partenariat est qu’il est comme un pont, et les ponts sont importants, car ils établissent des liens et comblent les lacunes. Le pont a le potentiel d’aider l’Afrique à faire un bond en avant en puisant, non seulement dans les ressources financières en Europe, mais aussi au-delà. Pour prendre un exemple concret, en 2019, l’Afrique comptait une population de 1,1 milliard d’habitants et une capacité solaire installée de 6,3 GW au total, alors que l’Europe avait une capacité solaire installée de 138 GW pour une population de 742 millions d’habitants. En Afrique, nous pouvons non seulement produire davantage d’énergie solaire en raison de la meilleure irradiation, mais nous avons également une population qui croît à un rythme de 2,7 % par an et qui a besoin d’électricité. Dans ce contexte, la force du partenariat est de tirer parti de la recherche et des enseignements issus des approches qui ont ou n’ont pas fonctionné en Europe pour construire plus fort, plus propre et plus intelligent. Ne répétons pas les erreurs des autres continents.

4. Comment faire en sorte que le passage des combustibles fossiles à des solutions énergétiques durables se fasse équitablement et que même les groupes les plus marginalisés de la société en profiteront ?

Le premier point capital est un consensus. Si vous considérez le discours par rapport à l’action dans de nombreux pays, cela porte à croire que ce n’est pas une priorité. Nous devons obtenir un consensus sur le fait que le statu quo est contraire à l’éthique et ne se justifie plus. Avec ce consensus, la question suivante est de savoir quelles décisions fermes et rapides nous devons prendre pour assurer une transition juste et opportune.

En matière d’actions, les différentes parties prenantes ont des rôles différents à jouer. Tout d’abord, les gouvernements doivent créer des environnements et des lois favorables qui encouragent l’investissement et une participation axée sur les personnes et groupes marginalisés. Par exemple, si le secteur privé sait que le gouvernement a pour objectif d’électrifier une zone rurale particulière, et que les entreprises savent qu’en participant au processus, le gouvernement peut leur proposer certaines incitations financières, alors nous verrions peut-être un déploiement plus rapide du secteur privé dans ces zones.

Le deuxième point important est la responsabilisation. Chacun d’entre nous a une responsabilité et nous pouvons être les porte-parole des sans-voix. Nous pouvons exiger de nos dirigeants qu’ils rendent des comptes en leur demandant concrètement : quelles mesures prenez-vous ? En tant que chefs d’entreprise, nous devrions demander : que faites-vous, quand et comment ? Nous avons également besoin de plus de données, car la plupart des données sur la demande sont fragmentées. En général, il est plus facile de faire une analyse de rentabilité lorsque vous disposez de données et que vous pouvez prendre des décisions commerciales éclairées. Si nous disposons de données très précises sur les zones et les segments marginalisés, cela peut permettre au secteur privé et au gouvernement d’avoir une meilleure idée de la demande et des lacunes et, peut-être, de regrouper certaines de ces données en projets bancables par le biais de synergies.

Troisièmement, il s’agit de financements dédiés. Les personnes marginalisées sont généralement dans cette situation parce qu’elles ont une capacité financière plus faible. Alors, la question se pose de savoir comment créer plus de capital patient et de long terme. Les revenus moyens dans les zones d’électrification rurale sont tels, qu’à court terme, les gens ne peuvent pas se permettre de payer, mais en fin de compte l’accès à une énergie abordable a le pouvoir de sortir les gens de la pauvreté et de créer des opportunités financières. Cela demande de la patience et une perspective de longue durée. Nous devons construire des écosystèmes de financement locaux adaptés au contexte local. Enfin, nous devons développer diverses capacités locales. Si les personnes marginalisées pouvaient s’asseoir à la table, il y aurait moins de marginalisation. Les résultats ont plus de chances d’être équitables lorsque les acteurs sont à la fois justes et diversifiés. Au final, si nous construisons une base diversifiée dans l’industrie, notre façon de voir, nos impacts et notre portée seront plus riches et plus variés.

5. Qu’est-ce qui vous motive à continuer à faire pression pour une transition vers une énergie propre ?

L’ampleur du problème. Si l’on considère le niveau et le rythme de développement du continent, pour moi, une énergie propre, plus fiable et abordable est un levier essentiel pour débloquer le développement. Nous ne pouvons pas fonder des économies sur une énergie polluante et coûteuse. Nous n’aurons pas de champions locaux et mondiaux avec le statu quo actuel. Les gens continueront à vivre dans la pauvreté s’ils n’ont pas d’électricité. C’est le contexte dans lequel je suis née ; j’ai hérité de ce contexte exigeant.

Je me considère privilégiée d’être dans une position où je peux construire ce qui est un véritable tremplin sur lequel ceux qui viendront après moi pourront sauter. Cela est mon point de vue ; mon rôle est d’être une pierre, de construire rapidement une marche plus haute pour que d’autres personnes puissent se hisser dessus. C’est une responsabilité. Je voudrais quitter cette terre dans un meilleur état que je ne l’ai trouvée. Je suis aussi convaincue que la génération qui nous succédera ne doit pas trouver les choses dans leur état actuel. J’ai du travail à faire, pour inspirer les autres, les encourager et bâtir pour que d’autres personnes puissent poursuivre leur course là où je me suis arrêtée.

Olaedo Osoka est la directrice générale pour l’Afrique de l’Ouest de Daystar Power Group. Auparavant, elle a travaillé en tant que directrice principale chez Sunray Ventures et en tant qu’avocate au sein des équipes d’entreprise et commerciales de Udo Udoma & Belo-Osagie. Mme Osoka est titulaire d’un diplôme en droit (LLB Hons) de l’Université d’Essex et d’un master en droit (LLM) de la London School of Economics and Political Science. Elle est également membre du barreau nigérian.

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